✥ HOW I MET ME

J’avais toujours adoré mon frère. Il avait été toujours là pour moi et je savais très bien que je pouvais lui faire entièrement confiance. Bien qu’il n’ait pas été un exemple de stabilité, il avait cependant été un exemple de courage et de persévérance hors pair. Petite fille, je pouvais très bien me vanter à qui que ce soit que mon grand frère allait venir leur casser la gueule s’ils me faisaient de la peine. Au moins, moi, c’était vrai, parce que je pouvais compter sur lui. Jamais il ne me laisserait tomber, et vice versa. En plus, il ne nourrissait aucune jalousie à mon égard, même si c’était clair aux yeux de tous que j’étais la préférée des parents. Non, il m’avait simplement encouragée à poursuivre mes rêves, à réussir dans la vie. Sincèrement, je me demande pourquoi papa et maman font un grand cas de toutes mes réussites. Réussir, c’est bien, mais ce qui est franchement mieux, c’est d’avoir toutes les valeurs et les qualités qui faisaient de mon frère quelqu’un d’exceptionnel. Ils ont dû le louper. Tant pis pour eux, ils auront manqué une occasion extraordinaire d’apprendre à connaître et à apprécier leur fils. Bien que j’adore mes parents, j’avoue que je n’ai jamais compris pourquoi mes parents me préféraient. Pourtant, le héros, c’était mon frère. Sans lui, je serais à des années lumières d’où je suis en ce moment. Apparemment, je suis la seule à l’avoir remarqué.

C’est Alec qui m’a poussée à devenir chercheuse. Vu mon caractère, je dois bien avouer qu’il avait complètement raison, comme d’habitude. Cette job m’allait à merveille. L’idée de chercher une solution aux problèmes de l’univers me rendait fébrile. Je refusais de penser que je pouvais échouer. C’était certes plus que probable, mais j’ai toujours été de nature plutôt positive. C’était peut-être l’une des raisons pour lesquelles mon frère adoré m’appelait Sunny. J’aime bien ce nom, surtout venu de lui. J’aurais sûrement froncé des sourcils s’il était venu de quelqu’un d’autre. Je n’ai jamais trippé sur les surnoms idiots qu’on pouvait bien essayer de me donner. Vous savez, tous ces trucs débiles qui finissent en « ou » en « ette » ou en « inette. » C’était inévitable. Ça avait passé d’Edenouchou, à Edenette en passant par Edeninette. Non mais franchement. Eden était déjà bien assez court et il n’avait absolument pas besoin de surnoms, surtout comme ceux-là. N’empêche que Sunny… Sunny, c’était doux, dynamique, ensoleillé. Non, sérieux, ça me plaisait bien. Puis tant que ça venait d’Alec, ça ne pouvait être que merveilleux.

J’ai toujours dit que j’étais heureuse. J’avais une belle vie, j’étais grande maintenant, je pouvais aisément faire le tour du monde si je voulais pour pratiquer mon métier et trouver des réponses aux grands mystères de la vie. J’avais des amis, un frère absolument extraordinaire qui comptait tellement à mes yeux, des parents qui étaient là pour me soutenir en cas de besoin. Pourtant, il a fallu que quelqu’un vienne tout gâcher. Il a fallu que ce rêve s’arrête alors qu’il venait juste de commencer, et j’ai tombé de haut. J’avais toujours pensé que rien ne pouvait m’arriver, parce qu’Alec était là. Pourtant, cette fois-là, ce n’était pas du tout de sa faute. J’imagine qu’il s’en voudrait atrocement lorsqu’il l’apprendrait, mais il ne pouvait pas franchement savoir : je poursuivais mon rêve. Il m’avait juste encouragé à le faire, pour que je sois heureuse. Il avait voulu mon bien. Je ne lui en voulais pas de m’avoir encouragée à aller en Écosse, à Dundee. Pas le moins du monde. Je n’imagine seulement pas la réaction de mes parents. Dundee, c’était une place dangereuse, surtout en ce moment. Et Alec m’avait laissée y aller? Ils ne lui pardonneraient sûrement jamais. Et merde alors. Moi je lui pardonnais et je l’aimais.

J’étais allée à Dundee pour pratiquer mon métier. J’étais heureuse, j’étais épanouie. J’avais tout ce qu’il fallait pour me promener le sourire aux lèvres. Puis il est arrivé. Ce fou furieux atteint du virus. Il s’est jeté carrément sur moi et j’ai été infectée. Je ne me souviens plus trop comment ça s’est passé. Ce n’est pas exactement le genre de souvenirs auquel je me raccroche. Lors de mes moments de lucidités, je pense à lui. À mon frère. J’espère qu’il va venir, qu’il va trouver un moyen de me sortir de ce cauchemar. Je sais que c’est impossible, et que la meilleure issue serait la mort. Ce virus me faisait horriblement peur. Pendant les moments où il prenait le contrôle de mon corps, j’avais l’impression de perdre pied. Je ne savais pas ce que je faisais. Je savais juste que je faisais le mal et croyez-moi, c’est une pensée déjà bien assez effrayante comme ça. Désormais, à toutes mes angoisses s’ajoutait mon frère. Allait-il bien? Comment réagirait-il lorsqu’il l’apprendrait? Allait-il m’aider? Me tuer? Ne plus jamais me regarder? M’enfermer à quelque part pour que j’arrête de faire le mal autour de moi? J’aimerais qu’il trouve une solution. Je ne m’imagine pas vivre le reste de ma vie ainsi. Pourtant, il le faut. Personne n’a découvert de solution, et aussi génial que soit mon frère, il y a peu de chances pour qu’il y réussisse. Je resterai donc un monstre pour le reste de mes jours… Joyeuse perspective. Très joyeuse, même. Je n’en pouvais plus. Je voulais juste être moi-même et expulser ce virus une bonne fois pour toutes. Malheureusement… J’étais prise avec, et j’allais mourir avec. Je me suis récemment réfugiée avec tous les infectés. Et je pense à lui, aussi fort que je le peux. Il m’empêche de perdre pied, il est celui qui me permet de rester le plus humaine possible. Dans mes moments de lucidités, je ne pense qu’aux bons moments qu’on a passés ensemble et j’espère juste le voir débarquer bientôt. Enfin, non. Je sais qu’il va débarquer bientôt. Le « bientôt » est simplement relatif. Mais il viendra. C’est sûr et certain.